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jeudi 30 août 2001, 1er Cahier


 

Le dur apprentissage du parler «social» dans les entreprises

Droits de l'homme · Sous la pression des ONG, Migros, Nestlé, Novartis, ABB ou l'UBS ont appris à dialoguer et à réciter les droits de l'homme. Les grosses boîtes suisses sont-elles pour autant devenues des entreprises responsables? Un chercheur mène l'enquête.

Gilles Labarthe

A défaut de promouvoir les droits de l'homme dans les pays pauvres, les entreprises suisses ont au moins appris à parler «social». C'est ce qui ressort d'une étude (1) réalisée par un chercheur en sciences politiques, issu de l'Université de Genève. Antoine Mach a mené l'enquête auprès de 10 géants de l'industrie et de la finance pour tenter de mesurer leur souci des droits humains. Le verdict ne surprend pas: «Aucune entreprise suisse n'est prête à lâcher un marché qui lui paraît rentable, même sous la pression des ONG, reconnaît le consultant en investissement durable. Les entreprises réagissent à leur façon, là où ellesvoient une convergence entre leur intérêt et celui des droits de l'homme».

 

Banques réticentes

Ces dernières années, une poignée de sociétés ont cependant pris des initiatives en faveur du développement, sans avoir été forcément sous le feu des critiques. Au terme de confrontations parfois pénibles, elles ont établi des clauses sociales, des labels équitables ou collaboré avec des ONG pour réaliser des projets «propres». C'est le cas pour Migros (distribution de produits Max Havelaar), Veillon (suite à la campagne «clean clothes») ou Coop (tourisme sensible en Birmanie). Les poids lourds de la place financière, par contre, ont encore une forte tendance à traîner.
«Le secteur le plus difficile à mobiliser sur la question des droits de l'homme reste celui des banques», constate Antoine Mach, qui s'est heurté à des résistances lors de son investigation, effectuée pourtant avec le soutien de la Confédération et pour la fondation Antenna Internationale. «Plusieurs entreprises ne voulaient pas me voir. D'autres, comme Nestlé, ont d'abord répondu de manière agressive avant d'accepter un débat sur les problèmes d'éthique».
Dans le domaine de la défense des droits de l'homme, le rôle dénonciateur et incitateur des ONG conserve en Suisse toute son importance. Certes, «Nestlé n'a jamais voulu limiter ses ventes de lait en poudre pour satisfaire les ONG qui critiquaient ce type de commerce», relève le consultant, même si les boycotts l'ont obligée à revoir la promotion et l'écoulement de son produit. Mais les campagnes lancées par les oeuvres d'entraide débouchent souvent sur des accords, des codes de conduite ou la création de fonds de soutien.
«Toutes les entreprises interrogées ont établi des partenariats avec les ONG, au moins sous la forme de donations. Et de plus en plus, sous la forme de sponsoring. Les entreprises ont besoin de s'associer au capital de sympathie des associations», analyse Mach.
De manière générale, «les sociétés les plus critiquées sont aussi celles qui réfléchissent le plus à la manière de communiquer les retombées positives de leurs activités économiques sur les pays pauvres» précise le consultant, en citant ABB, UBS et Nestlé (lire ci-dessous). De même les banques discutent maintenant avec Transparency International - une ONG qui lutte contre la corruption - concernant la fuite des capitaux.
Comment évaluer la performance réelle des entreprises en matière de droits de l'homme, ou leur degré de pollution sociale dans les pays du Sud? Antoine Mach propose de créer un «éthicomètre». A partir de bases de données économiques et sociales, l'appareil devra mesurer le niveau de responsabilité des entreprises. Dans l'idéal, «il faudrait se rendre dans chaque filiale, auprès de chaque fournisseur, de chaque interlocuteur, de chaque consommateur de l'entreprise», reconnaît le chercheur.
Un travail de titan. Le champ d'activités de nos multinationales est vaste. Accès aux médicaments essentiels dans les pays pauvres, conditions de travail dans les industries textiles, catastrophes chimiques, impact social des projets pétroliers et miniers, organismes génétiquement modifiés, lutte contre le blanchiment d'argent sale... demander aux entreprises suisses de respecter les droits universels restent un chantier en constante évolution.
La Confédération pourrait cependant utiliser cet éthicomètre comme nouvel instrument de mesure, notamment au sein de la Garantie contre les risques à l'exportation. L'image de la Suisse à l'étranger dépend aussi de la réputation de ses entreprises. GL/InfoSud

 

(1) Antoine Mach, «Entreprises suisses et droits de l'homme. Confrontations et partenariats avec les ONG», Editions universitaires, Fribourg, 2001.


 

Engagement social ou relations publiques?

 

Le langage du développement est entré dans les moeurs. Les industries cherchent elles aussi à faire connaître leurs bons offices. Notamment sur les sites Internet, où les multinationales vantent les retombées positives de leurs activités dans les pays pauvres. On connaît certains arguments: «création d'emplois, commercialisation de biens et services, participation au développement des infrastructures, collaboration avec l'économie locale» sont mentionnées pour prouver la «responsabilité sociale» des entreprises. Pour défendre la construction très controversée du barrage des Trois-Gorges en Chine, ABB admet que son rôle «n'est pas de s'occuper de l'homme de la rue», mais parle maintenant de «droit à l'électricité». Nestlé, qui estime n'avoir aucun besoin de «faire du marketing social ou éthique», vante par ailleurs sa nouvelle eau minérale «abordable pour les consommateurs des pays en développement» et défend le «droit au lait en poudre». D'autres sociétés, comme The Body Shop ou Benetton, lancent leur propre campagne pour dénoncer les injustices à travers le monde. Encore faudrait-il apprendre à passer de la communication à l'action. De nombreux observateurs estiment que l'engagement social des entreprises se limite trop souvent à des opérations de relations publiques. GL / InfoSud


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